Cas pratique n°1
Après avoir été licenciée par le maire de la commune de Brest, Madame Esseul, dont la qualité dans l’équipe municipale était celle d’un agent non statutaire, souhaite demander et obtenir l’annulation de cette décision. Ici le maire a-t-il pris cette décision dans le cadre de ses fonctions administratives, faisant œuvre d’une prérogative de puissance publique.
Le problème qui occupe la plaignante, ou l’avocat qui la représente si elle a fait le choix de faire appel à son ministère, est de savoir quel juge aura qualité à observer sa requête. En son ancienne qualité d’agent non statutaire d’une collectivité territoriale, personne morale de droit public, la requérante devrait de prime abord ester devant l’ordre juridictionnel administratif, en vertu de la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 sur la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence du Conseil Constitutionnel, qui affirme dans son considérant 15 que « relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » ; mais également en vertu d’une abondante jurisprudence comme par exemple la décision de la Cour d’appel de Nîmes du 24 novembre 2009 , juridiction judiciaire, affirmant que « l’agent non statutaire de la fonction publique travaillant pour le compte d'une personne publique gérant un service public administratif et en cette qualité et, selon une jurisprudence constante, est désormais soumis dans les litiges tant individuels que collectifs et quel que soit son emploi, au régime du droit public relevant de la compétence du juge administratif ».
Ainsi, si « la compétence suit le fond » ainsi que l’enseigne le Tribunal des conflits dans son célèbre arrêt Blanco du 8 février 1873 , la qualité de la requérante, ainsi que celle de la commune de Brest (définie comme collectivité territoriale par l’article 72 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003) emporte donc la compétence de l’ordre juridictionnel administratif. Enfin, le lien qui unissait la requérante et la commune de Brest revêt lui-même un caractère administratif comme le montre une jurisprudence particulièrement prolixe, comme par exemple l’arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Nancy le 18 février 2010 affirmant que « le juge administratif est seul compétent à l'effet de se prononcer sur les litiges nés de la poursuite de la relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif » justifiant qu’un « contrat régissant les rapports entre un service public à caractère administratif et un agent non statutaire, revêt ainsi le caractère d'un contrat de droit public ».
Après avoir effectué ce travail préliminaire, il convient à la requérante - ou à son avocat – de savoir devant quelle juridiction administrative porter son litige. En effet, la question demande réflexion. Si les tribunaux administratifs (qui se substituent aux Conseils de Préfecture napoléoniens par le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953) sont la juridiction de premier ressort de droit commun en vertu de l’article L 211-1, il arrive que le Conseil d’Etat statut directement en premier ressort en vertu d’une liste d’exceptions à ce principe, et disposées à l’article R 311-1. Dans le cas présent, le licenciement d’un agent par un maire ne rentre pas dans le cadre de ces exceptions.
Ensuite, le principe d’ordre public établi à l’article R 312-1, disposant qu’ "un litige relève de la compétence du TA du ressort du siège de l'autorité administrative auteur de l'acte, sauf si un texte en dispose autrement" indique que la compétence territoriale revient au tribunal dont dépend Brest, ladite autorité ayant son siège à Brest - puisqu’il s’agit de la commune -. Au regard de l’article R 221-3, qui indique la liste des villes disposant d’un de ces dits tribunaux, la Commune de Brest, située dans le Finistère dépend de prime abord du tribunal administratif de Rennes. La nature de la cessation d’activité dont s’estime victime la requérante, le licenciement, pourrait toutefois trouver vocation à s’intégrer dans les dispositions de l’article R 312-12 qui énonce qu’en matière de « révocation, d’admission à la retraite ou de toute autre mesure entraînant un cessation d’activité, la compétence est déterminée par le lieu de la dernière affectation de ce fonctionnaire ou agent ». Cette précision apportée, elle n’entraîne pas de toute façon de modification sur le fait que le tribunal de Rennes soit compétent, bien que la requérante soit résidante de la commune d’Angers, commune située dans le Maine-et-Loire et dont le tribunal administratif territorialement compétent soit celui de Nantes (selon l’article R 221-3 précité).
Enfin, le tribunal administratif de Rennes, selon le principe décliné à l’article R 222-2 doit juger en « formation collégiale, comprenant le Président de la juridiction ou la magistrat qu’il délègue à cet effet et au moins deux membres, désignés par le Président de la juridiction ». Dans le cas de l’espèce, l’article R 222-13, qui décline les exceptions à ce principe, précise par ailleurs dans son deuxième point que les litiges relatifs à « l’entrée du service, la discipline et la sortie de service » entrent expressément dans le cadre du principe général, et représentent une exception à l’exception.
Ainsi, Madame Esseul, requérante, formera sa requête devant le tribunal administratif de Rennes qui statuera en formation collégiale. Souhaitant une simple annulation, la requérante formera ici un recours en excès de pouvoir (un « contentieux de l’annulation » selon la classification d’Edouard Laferrière) contre la décision municipale, recours dont elle a droit quelque soit les conditions, selon un arrêt fameux CE Ass. Dame Lamotte du 17 février 1950.
Cas pratique n°2
Après avoir conclu un marché public de travaux avec la société Bouygues dont le siège est à Paris, la Commune de Montpellier, soucieuse d’assurer les meilleurs infrastructures de spectacle possibles dans une optique de développement économique de son agglomération, et ayant pris connaissance de défaillances de la dite infrastructure baptisée Arena dont la réputation n’a pourtant pas souffert de ces impondérables ; la commune se retourne contre son partenaire contractuel.
En vertu de ce marché public, prévoyant selon la définition « la fourniture de travaux, de biens ou de services », et en vertu des obligations dont il ressortissait aux cocontractants, la Commune de Montpellier souhaite faire reconnaitre la responsabilité contractuelle de la société avec laquelle elle avait contracté en vue de percevoir d’importants dommages et intérêts, d’un montant de un million d’Euros.
Dans ce cas, la Commune avait souhaité la réalisation d’un travail public, qui dans l’hypothèse consacrée par l’arrêt du Conseil d'Etat Commune de Monségur de 1921 , était « un travail d’intérêt général exécuté pour le compte d’une personne publique », destiné à entrer dans la propriété publique. Par ailleurs, sans qu’il soit besoin de dégager l’existence d’un service public ou d’un intérêt public de la collectivité à voir se réaliser un tel ouvrage, la compétence de l’ordre juridictionnel administratif est justifiée non seulement par la loi du 28 Pluviôse an VIII disposant que le juge administratif est compétent pour connaitre des litiges relatifs a l'exécution des travaux publics, mais également par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite Loi MURCEF, qui dispose dans son article 2, I, que « les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ». De plus, une jurisprudence de la Cour d’appel de Paris en date du 28 octobre 2008 confirme ce principe législatif, énonçant que « s'agissant d'un contrat de marché public [ici entre la SNCF et la société HDI], le tribunal administratif était seul compétent pour juger des responsabilités respectives ».
Les tribunaux sont compétents en premier ressort pour les litiges du contentieux général de par l'article L 211-1, sauf dans les cas où la compétence est expressément attribuée au Conseil d'Etat. En l’occurrence, le marché public conclu entre une collectivité territoriale et une personne privée ne saurait faire partie intégrante de la liste de ces cas développé à l'article R 311-1 du Code de justice administrative, ainsi que le met remarquablement en exergue l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 17 novembre 2008 , considérant que « le contrat de marché public […] relève de la compétence exclusive du Tribunal Administratif».
En l’absence de précisions supplémentaires, et qui seraient de nature a faire savoir si les cocontractants en avaient disposé autrement dans leur contrat, auquel cas le tribunal compétent serait celui de leur choix (article R 312-11 alinéa 2) ; le tribunal administratif territorialement compétent est celui de Montpellier, en vertu de l’article R 312-1, disposant qu’ "un litige relève de la compétence du TA du ressort du siège de l'autorité administrative auteur de l'acte, sauf si un texte en dispose autrement", et en vertu de l’article R 221-3, lequel prévoyant que les litiges situés dans l’Hérault dépendent de Montpellier, plus encore lorsque le dit litige est né précisément à Montpellier même.
Enfin, concernant la formation de jugement compétente, le principe est celui de la formation collégiale selon l’article R 222-2. Cependant, l'article R 222-13 liste des exceptions qui permettent à un juge unique de juger l'affaire. Son septième point énonce que les demandes indemnitaires qui ne dépassent le plafond fixé à l’article R 222-14, d’un montant de 10 000€, ne nécessitent pas une formation collégiale. Dans le cas présent, ce montant est largement dépassé, puisque évalué à un million d’euros, excluant cette hypothèse, et excluant également l’hypothèse de la jurisprudence CE Madame Bisson du 5 mai 2006 , prévoyant un juge unique dans le cas de demandes indemnitaires non chiffrées. Par ailleurs, même si aucune précision n’est apportée dans un sens ou dans l’autre, il est peu envisageable que l’Arena menace ruine, hypothèse prévue au neuvième et dernier point de l’article susvisé, ce qui exclut encore la possibilité d’un juge unique en l’espèce.
La commune de Montpellier formera devant cette formation collégiale un « recours subjectif » selon la classification des recours opérée par Léon Duguit, célèbre doyen de la faculté de droit de Bordeaux, et plus précisément un recours de pleine juridiction en responsabilité contractuelle. En effet, ici, ce n'est pas une confrontation de l'acte à la légalité, c'est l'analyse d'un dommage et la réponse à une demande d'indemnisation qui sont souhaitées.
Cas pratique n°3
L’année 2011 avait été lourde de catastrophes et d’évènements en tout genre. La justement nommée « catastrophe de Fukushima » avait plongé le monde dans une inquiétude et une incertitude exacerbées quant au futur et à la sécurité des centrales nucléaires, de plus en plus nombreuses. Cette anxiété n’avait alors pas manqué de toucher en France les populations implantées non loin de ces centres énergétiques.
C’est dans ce contexte qu’un incident – tout à fait mineur comparé au drame japonais – celui de la centrale de Marcoule, située dans le département du Gard, et consistant en l'explosion d'un four de fusion, avait poussé l’autorité de sureté nucléaire (ASN) à accentuer les contrôles sur ce site de manière à ce qu’une inspection soit effectuée chaque année.
Frappée par le manque de confiance placé en ce site par cette autorité, la direction de la dite centrale demande l’annulation de cette décision qu’elle considère comme injuste.
Dans ce cas, il convient de souligner de prime abord la nature de cette autorité de sureté nucléaire. Elle est en effet une personne de droit public, une Autorité administrative indépendante, créée par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Les actes qu’elle prend sont par conséquent des actes administratifs. La volonté par la centrale d’annuler la décision ressort clairement de l’ordre juridictionnel administratif, toujours en vertu de la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 du Conseil Constitutionnel, qui affirme que « relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par […] les organismes publics ».
Par suite, si le principe établit la compétence générale des tribunaux administratifs en matière de contentieux général en vertu de l’article L 211-1, « les recours dirigés contre les décisions prises par les organes [… comme] l’Autorité de sureté nucléaire » dépendent expressément en premier et en dernier ressort de la compétence du Conseil d’Etat, en vertu de l’article R 311-1 qui énumère parmi d’autres, cette exception audit principe.
Ainsi, la question de la compétence territoriale ou d’une compétence d’exception ne se pose pas, le Conseil d’Etat ne disposant pas de formations régionales ou locales.
Dans le cadre d’un contentieux de l’annulation, Le Conseil d’Etat, en vertu de l’article L 122-1 du Code de justice administrative, statuera soit en formation collégiale, soit par l’intervention d’un juge unique, plus précisément d’un Président de section ou de sous section.
Cas pratique n°4
A la suite d’une altercation entre deux joueurs des clubs de football de Jacou et de Saint Aunès, la Fédération française de football a infligé au club de Jacou une amende de 20 000€ et sanctionne le joueur P. Laurent, à l’origine de l’altercation à une suspension pour les cinq matchs à venir. Ce dernier, et son club demandent non seulement l’annulation, mais aussi des dommages et intérêts d’un montant de 11 000€, considérant ces décisions injustes et dommageables à leurs réputations respectives.
A première vue, cet acte unilatéral d’une personne privée - bien que l’association en question soit une association reconnue d’utilité publique - ne peut être qu’un acte de droit privé. Cependant, la qualité d’association d’utilité publique demande réflexion. En effet, comme l’affirme Pascale Gonod , «parce que ces personnes privées participent à l’exécution d’un service d’utilité publique les décisions qu’elles prennent sont des actes administratifs ».
Cette notion, après avoir été consacrée dans un premier temps pour les comités d’organisation et les ordres professionnels par deux arrêts du Conseil d’Etat Monpeurt du 31 juillet 1942 , et Bouguen du 2 avril 1943 , a été étendue aux organismes sportifs dans un arrêt CE Fédération des Industries Françaises de Sport (FIFAS) du 22 novembre 1974 . Cette décision est particulièrement déterminante dans la détermination de la compétence de l’ordre juridictionnel administratif en ce qu’il énonce « qu’en vertu de l’article 1er de l’ordonnance du 28 août 1945 relative à l’activité des associations et groupements sportifs, toute compétition ayant pour objet de désigner une association, une équipe, ou un joueur comme vainqueur national ou régional [et c’est ici le cas de cette « coupe de l’Hérault »] […], qu’en confiant ainsi aux fédérations sportives la mission d’organiser les compétitions nationales ou régionales, le législateur a confié aux associations, bien que régies par la loi de 1901, l’exécution d’un service public administratif ; que dès lors, dans le cas où ces fédérations prennent des décisions qui exigent par elle des prérogatives de puissance publique qui leurs sont conférées, lesdites décisions ont le caractère d’actes administratifs ». Ceci est réaffirmé par la loi n°75-988 du 29 octobre 1975 dite Mazeaud, relative au développement de l’éducation physique et du sport, sur laquelle s’appuie d’ailleurs le jugement du tribunal des conflits en date du 7 juillet 1980 quia affirme encore que « les personnes privées qui, en vertu de la loi du 29 octobre 1975 […] sont associées à l’exécution d’un service public administratif, ressortent pour les actes adoptés dans ce cadre, à la compétence des juridictions de l’ordre administratif ».
Ainsi, l’acte administratif contesté ressort de la compétence du juge administratif en raison de ce que la Fédération française de football organise et contrôle les coupes régionales et locales comme celle dont il est question – et est donc une personne privée mais chargé d’un service public administratif (SPA) - ; mais également, de manière plus classique, en ce que les demandeurs souhaitent l’annulation de l’acte administratif, conformément aux exigences de la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 du Conseil Constitutionnel.
Ici, la compétence d’exception du Conseil d‘Etat prévue à l’article R 311-1 ne trouve pas à s’appliquer puisque il s’agit d’un acte non expressément listé par ce dernier. Ainsi, selon le principe général consacré à l’article L 211-1, le tribunal administratif est compétent pour juger l’affaire.
De plus, la compétence territoriale de principe revient en principe de l’article R 221-3 au tribunal administratif de Montpellier puisque l’autorité ayant signé l’acte est bien cette commune, conformément aux dispositions de l’article R 312-1, selon lequel "un litige relève de la compétence du TA du ressort du siège de l'autorité administrative auteur de l'acte, sauf si un texte en dispose autrement".
Cependant, justement, le Code de justice administratif précise en son article R 312-17 que les recours contre les sanctions individuelles prises par une fédération sportive dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique – et c’est le cas ici – « sont portés devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se situe la résidence […] du requérant à la date des décisions attaquées ». Ainsi, en considérant que le requérant habite à Jacou ou dans ses environs, et que le siège de son équipe se situe tout aussi probablement à Jacou même, le tribunal administratif de Montpellier reste compétent en l’espèce malgré cette disposition textuelle particulière. Dans le cas contraire évidemment, il convient de voir où se situent lesdites résidence et siège social.
Enfin, en ce qui concerne la formation de jugement, l’article R 222-14 prévoyant un juge unique ne peut s’appliquer car le montant des indemnités réclamées s’élève à 11 000€, dépassant ainsi le plafond fixé par l’article précité à 10 000€. Aucune spécificité prévue à l’article R 222-13 ne trouve donc à s’appliquer. Ainsi, la formation collégiale est elle de rigueur, en vertu de l’article R 222-2 établissant ce principe.
Ainsi, les requérants formeront un recours de pleine juridiction en vue d’une annulation de la décision et de l’indemnisation du dommage dont ils ont la prétention devant une formation collégiale au sein du tribunal administratif de Montpellier territorialement compétent.
Cas pratique n°5
Après avoir conclu avec les mairies de Strasbourg et Paris un marché public de travaux, destiné respectivement à restaurer le bâtiment de l’Ecole nationale d’Administration (ENA) de Strasbourg, et à construire une annexe à cette école à Paris, la société Eiffage, chargée de réaliser les travaux, souhaite saisir le juge suite à un problème dans l’exécution du marché.
Ces deux communes avaient souhaité la réalisation d’un travail public, qui, encore dans l’hypothèse Commune de Monségur de 1921, était « un travail d’intérêt général exécuté pour le compte d’une personne publique », destiné à entrer dans la propriété publique. De plus la compétence de l’ordre juridictionnel administratif est justifiée encore une fois non seulement par la loi du 28 Pluviôse an VIII disposant que le juge administratif est compétent pour connaitre des litiges relatifs a l'exécution des travaux publics, mais également par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 MURCEF, disposant que « les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ».
Par ailleurs, ces deux communes, définies comme « collectivités territoriales de la République » à l’article 72 de la Constitution, sont ainsi des personnes de droit public dont les actes passés dans le cadre de leur prérogative de puissance publique sont des actes administratifs, et justifient de ce fait la compétence du juge administratif.
En vertu de l’article R 211-2, la juridiction compétente de droit commun reste le tribunal administratif, le cas présent ne s’insérant pas dans une des hypothèses donnant compétence en premier et dernier ressort au Conseil d’Etat.
Concernant le tribunal administratif compétent, en se rapportant à l’article R 221-3, lequel dresse le catalogue des différents champs territoriaux des tribunaux, la compétence devrait revenir au tribunal de Strasbourg en ce que la Commune de Strasbourg est la première autorité mentionnée dans le contrat, obéissant ainsi aux dispositions de l’article R 312-1 du Code de justice administrative, établissant que « lorsque l’acte a été signé par plusieurs autorités, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel a son siège la première des autorités mentionnées dans cet acte ». Il convient alors de préciser que cet élément de détermination de la compétence du tribunal administratif ne saurait valoir que si le contrat de marché public a été signé après le 22 avril 2010, date à laquelle les dispositions du décret n° 2010-164 du 22 février 2010 commencent à s’appliquer (soit deux mois suivant la publication de ce dernier).
Cependant, comme le précise l’article R 312-11, « les parties peuvent convenir que leurs différents seront soumis à un tribunal administratif autre que celui qui serait compétent » selon le principe de la compétence territoriale, ce qui est le cas ici, puisque pour des raisons pratiques, les parties au contrat ont préféré dès la conclusion de ce dernier échapper à l’encombrement chronique du tribunal administratif de Strasbourg, pour saisir le tribunal administratif de Paris en cas de problème. Il convient ici de souligner que cette dérogation à la compétence territoriale ne vaut « qu’en matière de marchés publics, contrats ou concessions » comme précisé par l’article R 312-2, et uniquement en ces matières, sous peine de nullité de ces actes, le principe de la compétence territoriale étant d’ordre public. C’est ainsi que par dérogation, le tribunal administratif compétent sera celui de Paris.
Enfin, Le principe de jugement est la formation collégiale de juges selon l’article R 222-2. L'article R 222-13 donnant la liste des exceptions qui permettent à un juge unique de juger l'affaire ne contient aucune disposition de nature à excepter au principe concernant les contrats de marché public.
Ainsi, la requérante formera un recours en responsabilité contractuelle des deux communes parties au contrat, devant une formation collégiale du tribunal administratif de Paris.
Cas pratique n°6
Au cours d’un séjour sur la côte d’Azur, Monsieur et madame Dupont visitent Nice et ses environs. Distrait en conduisant, Monsieur Dupont y grille un feu rouge, commettant ainsi une grave infraction au Code de la route. Appréhendé par les agents de police consécutivement à cette infraction, monsieur Dupont est condamné à payer une amende forfaitaire. Surpris de recevoir également une suppression des deux derniers points de son permis de conduire à son retour à son domicile, monsieur Dupont décide d’ester en justice afin d’obtenir l’annulation de cette décision.
L’autorité attaquée est ici l’administration centrale du ministère de l’Intérieur, qui est chargée des retraits de points des permis de conduire. en effet, il y a tout lieu de penser que ce n’est que lé décision du retrait de points qu’il décide de contester, et non l’amende, étant précisé que quelques mois se sont écoulé entre le jour est la contravention a été dressée et le jour où le requérant a reçu le courrier lui notifiant la perte de deux points sur son permis de conduire. En tant qu’administration, les retraits que cette administration effectue sont des actes de police administrative, et dépendent donc de l’ordre juridictionnel administratif. Par ailleurs précisions que le délai n’est nullement susceptible de recours, les courriers adressés aux contrevenants n’étant pas des courriers recommandés.
Reste à savoir quelle juridiction administrative est compétente en premier ressort. Si le principe confie cette compétence aux tribunaux administratifs comme le montre l’article L 211-1, des exceptions confient cette compétence au Conseil d’Etat directement. Dans le cas précis, aucune de ces exceptions codifiées à l’article R 311-1 ne saurait s’appliquer.
En ce qui concerne la question de la compétence territoriale, si l’article R 312-1 rappelle qu’ "un litige relève de la compétence du TA du ressort du siège de l'autorité administrative auteur de l'acte, sauf si un texte en dispose autrement", l’article R 221-3 précise-t-il que le tribunal ainsi compétent en l’occurrence devrait être celui de Paris en ce que les retrait de points est effectué par l’administration centrale du Ministère de l’Intérieur. Cependant, une précisions apparait notable : en se référant à l’article R 312-8 (aussi article 52 du Code des tribunaux administratifs), qui affirme que « les litiges relatifs aux décisions individuelles prises à l'encontre de personnes par les autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs de police relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence des personnes faisant l'objet des décisions attaquées à la date desdites décisions », il est envisageable de penser que le requérant puisse effectuer son recours en annulation de la décision devant le tribunal administratif dont son département dépend. En l’occurrence le tribunal de Paris reste compétent.
Ainsi, le tribunal administratif de Paris sera-t-il compétent, et un juge unique statuera sur cette requête au titre de l’article R 222-13 10°, qui prévoit expressément que les « litiges relatifs au permis de conduire » ne nécessitent pas la réunion d’une formation collégiale de trois juges de principe (article L 222-2). Il convient ici de préciser que cette solution ne vaut que si la date du retrait est postérieure au 1er janvier 2007, date à laquelle cet alinéa issu du décret n°2006 - 1708 du 23 décembre 2006 est entré en vigueur. Si le retrait est antérieur à cette date, la formation collégiale aura alors été de rigueur.
Ainsi, le requérant formera-t-il un recours en annulation devant le tribunal administratif de paris, où un juge unique statuera sur cette affaire, qui a bien peu de chances d’aboutir sans de sérieux arguments.
Cas pratique n°7
Après avoir constaté une hausse des violences dans l’enceinte de certains des établissements relevant de sa compétence rectorale, le recteur de l’Académie de Montpellier décide d’accroitre les contrôles de ses inspecteurs d’académie dans l’ensemble des établissements en dépendant.
Devant le nombre plus important de ces contrôles, Monsieur François, professeur dans un lycée du Gard, dépendant de l’Académie de Montpellier, décide de saisir la justice en vue de l’annulation de cette mesure qu’il estime excessive et contraire à la tranquillité de ses élèves.
Le rectorat participe au bon fonctionnement du service public de l’éducation nationale. Le recteur d’académie est quant à lui une personne publique, autorité déconcentrée de l’Etat, placé sous l’autorité des ministres chargés de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, et en plus de son activité rectorale propre, assure des services déconcentrés que sont notamment les inspections académiques, confiées à des inspecteurs. Le recteur, en sa qualité de personne publique déconcentrée, émet des actes qui revêtent un caractère administratif, et qui relèvent ainsi de la compétence du juge administratif.
Ainsi, si la compétence suit le fond comme l’affirme la jurisprudence de principe Blanco, la compétence de juger de cet acte revient au juge administratif.
Au juge administratif, mais plus encore le tribunal administratif, en vertu du principe codifié à l’article L 211-1, lequel dispose que les tribunaux sont les juges de droit commun en premier ressort depuis le décret-loi de 1953. Par ailleurs, aucun des cas dérogatoires à ce régime prévus à l’article R311-1 encore en vigueur aujourd’hui, et qui tendent à relever de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat ne saurait correspondre au cas de l’espèce.
Cependant, a contrario, si l’acte a été pris avant le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 qui abroge le cas dérogatoire suivant, le Conseil d’Etat sera compétent en ce que l’article R 311-1 5° ancien précise que « les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif » relève de la compétence en premier et dernier ressort des juges du Palais royal.
Ainsi, en vertu du principe de compétence territoriale consacré à l’article R 312-1, le tribunal compétent pour un litige concernant l’académie de Montpellier sera celui de Montpellier, ce dernier s’occupant des requêtes gardoises notamment (article R 221-3).
Par ailleurs, il est envisageable que l’article R 312-15 trouve à s’appliquer en l’espèce en ce qu’il précise que « les litiges relatifs à l'organisation ou au fonctionnement de toute collectivité publique autre que l'Etat et de tout organisme public ou privé, notamment en matière de contrôle administratif ou de tutelle, relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel a son siège la collectivité ou l'organisme objet des décisions attaquées », confortant ici la compétence du tribunal administratif de Montpellier.
Enfin, la question de la formation juridictionnelle doit être regardée par le prisme de l’article R 222-2 qui établit le principe de la formation collégiale. Aucune exception prévue à l’article R 222-13 et rendant possible une formation de juge unique ne peut s’appliquer en l’espèce.
Ainsi, le requérant adressera-t-il une requête en annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Montpellier qui statuera en formation collégiale de trois juges.